Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/579

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— Pourquoi ? répondit l’avocat, qui abandonna les mains de sa maîtresse, pourquoi ? C’est que, si tu m’aimes, il s’agit de me le prouver. Si tu m’aimes, il faut me suivre à l’instant, tout quitter, venir, fuir avec moi, le temps presse…

La jeune femme avait décidément peur.

— Qu’y a-t-il donc, mon Dieu !

— Rien. Je t’ai trop aimée, vois-tu, Juliette. Le jour où je n’ai plus eu d’argent pour toi, pour ton luxe, pour tes caprices, j’ai perdu la tête. Pour me procurer de l’argent, j’ai… j’ai commis un crime, entends-tu ? On me poursuit, je fuis, veux-tu me suivre ?

La stupeur agrandissait les yeux de Juliette, elle doutait :

— Un crime, toi ! commença-t-elle.

— Oui, moi ! Veux-tu savoir ce que j’ai fait ? J’ai tué, j’ai assassiné ! C’était pour toi.

Certes l’avocat était convaincu que Juliette à ces mots allait reculer d’horreur. Il s’attendait à cette épouvante qu’inspire le meurtrier, il y était résigné à l’avance. Il pensait qu’elle le fuirait d’abord. Peut-être essayerait-elle une scène. Elle aurait, qui sait ? une attaque de nerfs, elle crierait, elle appellerait au secours, à la garde, à l’aide. Il se trompait.

D’un bond Juliette fut sur lui, se liant à lui, entourant son cou de ses deux mains, l’embrassant à l’étouffer comme jamais elle ne l’avait embrassé.