Page:Gaboriau - L’Affaire Lerouge.djvu/586

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une seconde de l’innocence d’Albert. J’ai laissé mes jeunes gens dans l’extase de la lune de miel, plus roucoulants qu’une paire de tourtereaux. Il faut avouer qu’ils ont acheté leur bonheur un peu cher. Qu’ils soient donc heureux et qu’ils aient beaucoup d’enfants, ils ne seront embarrassés ni pour les nourrir ni pour les doter. Car, sachez-le, pour la première fois de sa vie et sans doute la dernière, M. de Commarin s’est conduit comme un ange. Il a donné toute sa fortune à son fils, toute absolument. Il veut aller vivre seul dans une de ses terres. Je ne crois pas que le pauvre cher homme fasse de vieux os. Je ne voudrais pas jurer même qu’il a bien toute sa tête depuis certaine attaque… Enfin ! ma petite-fille est établie, et bien. Je sais ce qu’il m’en coûte, et me voici condamnée à une grande économie. Mais je mésestime les parents qui reculent devant un sacrifice pécuniaire quand le bonheur de leurs enfants est en jeu.

Ce que la marquise ne racontait pas, c’est que, huit jours avant « la noce », Albert avait nettoyé sa situation passablement embarrassée et liquidé un respectable arriéré.

Depuis elle ne lui a emprunté que neuf mille francs ; seulement elle compte lui avouer un de ces jours combien elle est tracassée par un tapissier, par sa couturière, par trois marchands de nouveautés et par cinq ou six autres fournisseurs.