Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/308

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Quand par malheur on a mis le docteur Gendron sur les poisons, il est difficile de l’arrêter. Mais, d’un autre côté, M. Lecoq ne perd jamais son but de vue.

— Pardon de vous interrompre, docteur, fit-il, retrouverait-on des traces d’aconitine dans un cadavre inhumé depuis près de deux ans. Car enfin, M. Domini va vouloir l’exhumation.

— Les réactifs de l’aconitine, monsieur, ne sont pas assez connus pour en permettre l’isolément dans les produits cadavériques. Bourchardat a bien proposé l’iodure de potassium ioduré qui donnerait un précipité orange, mais cette expérience ne m’a pas réussi.

— Diable, fit M. Lecoq, voilà qui est contrariant.

Le docteur eut un sourire de triomphe.

— Rassurez-vous, dit-il, le procédé n’existait pas, je l’ai inventé.

— Ah ! s’écria le père Plantat, votre papier sensibilisé.

— Précisément.

— Et vous retrouveriez de l’aconitine dans le corps de Sauvresy.

— Je retrouverais, monsieur l’agent, un milligramme d’aconitine dans un tombereau de fumier.

M. Lecoq paraissait radieux, comme un homme qui acquiert la certitude de mener à bonne fin une tâche qui lui avait paru un peu lourde.

— Eh bien ! s’écria-t-il, voici qui est terminé, notre instruction est complète. Les antécédents des victimes exposés par monsieur le juge de paix nous donnent la clé de tous les événements qui suivent la mort de ce malheureux Sauvresy. Ainsi, on comprend la haine de ces époux si bien unis en apparence. Ainsi, on s’explique que le comte Hector ait fait sa maîtresse et non sa femme d’une jeune fille charmante, qui avait un million de dot. Il n’y a plus rien de surprenant, à ce que M. de Trémorel se soit résigné à jeter à la Seine son nom et sa personnalité pour se refaire un état civil. S’il a tué sa femme, c’est qu’il y a été contraint par la logique des