Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/41

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Enfin, Sauvresy était marié depuis deux ans, lorsqu’un soir il amena de Paris un de ses anciens amis intimes, un camarade de collège dont on l’avait souvent entendu parler, le comte Hector de Trémorel.

Le comte s’installa pour quelques semaines, annonça-t-il, au Valfeuillu, mais les semaines s’écoulèrent, puis les mois. Il resta.

On n’en fut pas surpris. Hector avait eu une jeunesse plus qu’orageuse, toute remplie de débauches bruyantes, de duels, de paris, d’amours. Il avait jeté à tous les vents de ses fantaisies une fortune colossale, la vie relativement calme du Valfeuillu devait le séduire.

Dans les premiers temps, on lui disait souvent : « Vous en aurez vite assez, de la campagne ? » Il souriait sans répondre. On pensa alors, et assez justement, que, devenu relativement très-pauvre, il se souciait fort peu d’aller promener sa ruine au milieu de ceux qu’avait offusqués sa splendeur.

Il s’absentait rarement, et seulement pour aller à Corbeil, presque toujours à pied. Là, il descendait à l’hôtel de la Belle Image, qui est le premier de la ville, et il s’y rencontrait, — comme par hasard, — avec une jeune dame de Paris. Ils passaient l’après-midi ensemble et se séparaient à l’heure du dernier train.

— Peste ! grommela le maire, pour un homme qui vit seul, qui ne voit personne, qui pour rien au monde ne s’occuperait des affaires d’autrui, il me semble que notre cher juge de paix est assez bien informé !

Évidemment M. Courtois était jaloux. Comment, lui, le premier personnage de la commune, il avait ignoré absolument ces rendez-vous ! Sa mauvaise humeur augmenta encore, lorsque le docteur Gendron répondit :

— Peuh ! tout Corbeil a jasé de cela, dans le temps.

M. Plantat eut un mouvement de lèvres qui pouvait signifier : « Je sais bien d’autres choses encore. » Il poursuivit cependant sans réflexions :

— L’installation du comte Hector au Valfeuillu ne changea rien absolument aux habitudes du château.