Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/167

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Un second guerrier succéda au Chamois. À peine sa main daigna-t-elle agiter les osselets, ils roulèrent une seconde fois sur le sable.

Sept ! s’écria Sang-Mêlé.

– Les guerriers pleureront la mort de Cœur-de-Roc, dit l’Indien en faisant son oraison funèbre ; ils diront que c’était un brave. »

Chacun des osselets n’avait amené qu’un point, et son sort n’était pas douteux ; mais ayant ainsi parlé, l’Indien, par un effort suprême de sa volonté, contint les élans précipités du cœur qui n’avait plus longtemps à battre dans sa poitrine.

Pendant que le guerrier qui venait d’être mis si clairement hors de cause affectait avec un admirable courage une indifférence bien loin de son âme, le sort décidait de la même manière entre les autres. C’était la même gravité, le même silence. Chacun des Indiens tenait à ne pas le céder à l’autre en stoïcisme, et il fallait toute l’impitoyable dureté de cœur des deux témoins de cet héroïsme, pour ne pas se sentir ému à l’aspect de ces braves qui allaient mourir, offerts en holocauste au despotisme d’un chef et à la cupidité du renégat et de son fils.

Bien loin de là, les deux forbans des Prairies savouraient le plaisir de ce spectacle comme jadis les Romains aux fêtes sanglantes du cirque.

Il ne restait plus qu’un Indien qui n’eût pas encore tenté les chances de vie ou de mort. Il n’était guère probable qu’il pût avoir la main aussi malheureuse que Cœur-de-Roc ; mais d’un autre côté, il était douteux qu’il amenât un nombre plus élevé que dix-sept, qui, avec sept et douze, complétait les trois plus bas points annoncés jusqu’alors.

Aussi, malgré tous ses efforts, l’Apache ne put-il s’empêcher de trahir par un tressaillement nerveux ce désir de la vie qui ne veut pas s’éteindre.