Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/229

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avoir eu quelque rencontre avec les Indiens sauvages, et sans être au courant de leurs ruses ? »

Le novice fit un haut-le-corps qui signifiait une foule de choses, et, entre autres, que son maître ne pouvait mieux s’adresser.

« Il n’y a pas plus de cinq jours, répondit Encinas, que j’ai eu un engagement mortel avec ces irréconciliables ennemis des blancs.

– Vous voyez, mon père, s’écria Rosarita.

– Et où cela ? demanda don Antonio.

– Près du préside de Tubac.

– À vingt lieues d’ici à peine, reprit la jeune fille effrayée.

– Voici un enfant, dit l’hacendero en montrant doña Rosarita, qui, depuis huit jours qu’elle a rencontré dans les bois deux Indiens de la tribu des Papagos…

– Oh ! mon père, interrompit la jeune fille, deux Papagos n’ont jamais eu cette figure sinistre ; c’était quelque déguisement sans doute, des loups revêtus de peaux de brebis, comme dit don Vicente.

– Don Vicente est un poltron comme vous, dit en souriant l’hacendero.

– Quand on voyage avec le plus riche trésor du monde, répliqua galamment le sénateur, on ne saurait être trop prudent.

– Soit, dit don Augustin ; » et, s’adressant ensuite au robuste chasseur de bisons : « Combien gagnez-vous par jour, l’un dans l’autre, en exerçant votre périlleuse profession ?

– Ça dépend, répondit Encinas ; nous gagnons beaucoup dans un jour, parfois ; par contre, nous sommes aussi de longs jours sans rien gagner.

– De sorte qu’en fin de compte ?…

– Nous pouvons gagner deux piastres par jour, en estimant à cinq une peau de bison, quand la fourrure est irréprochable.