Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/373

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lencieusement le courant du fleuve, et à l’avant par une forte barricade d’autres troncs d’arbres mis en travers de la passe, le canot se fût trouvé dans l’impossibilité de reculer ou d’avancer. Cachés sur les deux côtés de l’arche brisée et sur les deux rives, les Indiens tenaient dans leurs mains la vie des passagers du canot, qu’ils auraient massacrés jusqu’au dernier à coups de flèches et de carabine, sans que ceux-ci eussent même pu se défendre.

« Voyez-vous ? dit Bois-Rosé à Pepe en jetant un coup d’œil sur le réseau de branchages et de troncs d’arbres qui obstruait la passe. Les Indiens ont profité des ravages de l’ouragan d’avant-hier pour jeter au cours de l’eau les arbres déracinés par l’impétuosité du vent. Ils n’ont eu qu’à les traîner à force de bras et les livrer au fleuve. C’est une justice à leur rendre, le coup était bien combiné. »

Restait à savoir de quelle façon Rayon-Brûlant avait rejoint ses guerriers, et comment les Apaches étaient tombés eux-mêmes dans le piège qu’ils avaient tendu.

Pendant que les navigateurs, après avoir transporté le canot sur leurs épaules, à cent pas de la Passe-Étroite, descendent la rivière et font force de rames vers la Fourche-Rouge, où ils espèrent surprendre les deux pirates des Prairies et leur arracher leur prisonnier et la vie, nous donnerons un récit succinct de ces événements.

Après avoir retrouvé les traces des guerriers de sa bande et s’être séparé des trois chasseurs ses alliés, Rayon-Brûlant avait suivi ces traces pied à pied. À mesure qu’il avançait, ces empreintes, dont les Indiens, comme les batteurs des bois à peau blanche, peuvent désigner l’époque avec une merveilleuse précision, devenaient plus fraîches et plus apparentes.

Le jeune Comanche, arrivé non loin de l’endroit où les Apaches étaient embusqués, avait trouvé les feuilles sèches frémissantes encore, pour ainsi dire, sous le poids du pied qui venait de les fouler.