Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des forces encore invisibles, tombèrent de cheval, morts ou blessés.

« Courage, Pepe ! s’écria le Canadien, nos hommes sont arrivés et attaquent les Indiens par derrière. Fabian, continua-t-il, si vous pouvez vous tenir encore sur vos jambes, glissez-vous derrière les arbres ; c’est une lutte de géants que nous allons soutenir. »

Le flot d’Indiens grossissait à chaque minute et s’éparpillait sur toute la surface de la clairière, tandis que les vaqueros qui suivaient don Augustin purent enfin s’y faire jour et s’y développer plus à l’aise. Les uns étaient à cheval, la plupart à pied ; l’hacendero était parmi les premiers.

« Feu ! Bois-Rosé, feu ! en poussant un cri de guerre comme si nous étions cent, » s’écria l’Espagnol, obéissant à l’une de ses impulsions fougueuses qu’il ne savait jamais maîtriser.

Cette fois, le coureur des bois y obéit immédiatement, et, au moment où les deux carabines grondaient de nouveau en démontant les deux cavaliers qu’il leur plut de choisir pour victimes, les trois compagnons d’armes, car Fabian, l’âme ulcérée de vengeance, n’avait pas suivi le conseil du Canadien, poussèrent une fois encore, côte à côte, un cri de guerre si puissant, qu’on eût dit que dix autres guerriers venaient de se joindre à eux.

Puis, profitant du désordre que redoublait cette attaque par derrière et dédaignant l’abri du retranchement, Fabian, armé de son couteau, que lui avait remis le Canadien, Bois-Rosé, saisissant la hache échappée à un Apache qu’il venait de frapper, et Pepe, brandissant son lourd fusil par le canon, s’élancèrent en pleine mêlée en poussant de sauvages hurlements.

Le gigantesque coureur des bois, semblable au faucheur pressé de finir sa journée ou au bûcheron dont la cognée déblaye un jeune taillis, semblait, en frappant ses ennemis d’un bras irrésistible, tracer un cercle de