Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/452

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rage impuissante. Ah ! Sang-Mêlé, où nous a conduits votre insatiable cupidité ? »

Un coup de fusil qui, du poste élevé des Comanches, retentit subitement, interrompit le vieux forban, que frappa violemment au front un des éclats de bois enlevés du tronc par la balle. En même temps, au risque de se découvrir au feu des Indiens grimpés sur l’arbre, le métis quitta sa posture accroupie, s’étendit sur le dos et tira. Malgré cette position incommode, le métis atteignit son but, et l’un des Comanches tomba du haut de l’arbre en bas, les reins brisés.

« Ici donc ! s’écria vivement Main-Rouge ; ne voyez-vous pas que l’arbre que roulent ces deux vagabonds va toucher le nôtre ? »

Le rempart mobile poussé par les chasseurs n’était plus en effet séparé des deux pirates que par une distance à peine égale à son épaisseur. Ce fut pour les spectateurs pleins d’anxiété un moment d’un suprême intérêt, que celui où des ennemis acharnés et irréconciliables allaient enfin combattre corps à corps et assouvir dans le sang des vaincus leur haine et leur vengeance.

Sang-Mêlé n’avait pas eu le temps de recharger son arme, Pepe avait perdu la sienne, et de ce côté l’avantage était égal, comme il l’était entre Bois-Rosé et le vieux Main-Rouge, armés tous deux d’une carabine chargée, amorcée, prête à faire feu.

Dans la position respective du Canadien et du brigand de l’Illinois, celui des deux qui se découvrirait le premier devait recevoir à bout portant toute la charge de la carabine ennemie ; celui des deux qui serait le dernier à bondir sur ses pieds était dévoué à une mort certaine.

Les deux ennemis comprirent de la même façon ce qu’ils avaient à faire. À peine les derniers efforts des deux chasseurs eurent-ils fait choquer les arbres l’un contre l’autre, que, dédaignant l’usage de leur carabine,