Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/459

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sement, plus occupés de l’avenir que du tableau de la lutte sanglante qui avait eu lieu.

Le Canadien avait pu facilement, avec les demi-confidences de l’amour dédaigné de Fabian et le nom de la fille de l’hacendero, rapprocher des données éparses pour s’en former la certitude que Rosarita était cette jeune fille aimée d’un amour en apparence sans espoir, et qui n’en subsistait pas moins dans toute son ardeur.

Fabian, de son côté, sentait son cœur agité des élans contradictoires d’une joie enivrante et d’une appréhension douloureuse, à l’idée de puiser dans les yeux de Rosarita de nouveaux aliments à une passion qu’il croyait insensée.

Ce fut toujours silencieusement que les deux piétons traversèrent le gué de la Rivière-Rouge et s’engagèrent ensuite dans le sentier frayé à travers les herbes, et qui aboutissait non loin du Lac-aux-Bisons. C’était ce même sentier que, peu d’heures auparavant, Rosarita suivait aussi tandis qu’elle effeuillait les plus secrètes pensées de son cœur et ses doux rêves d’amour et d’avenir pour les confier à la brise discrète du matin.

L’incendie allumé sur la rive droite du fleuve, où se trouvaient Fabian et Bois-Rosé, était venu expirer tout près de là ; quelques restes de fumée noire venaient encore se rabattre sur les deux voyageurs.

« Marchons plus vite, Fabian, dit le Canadien ; cette fumée me rappelle trop les angoisses horribles que j’éprouvais à votre sujet, en pensant que vous étiez peut-être enveloppé dans les flammes. »

Fabian ne demandait pas mieux que d’accélérer sa marche, et, après quelques minutes d’un pas rapide dans la forêt, les aboiements d’Oso indiquèrent aux voyageurs la route à suivre pour arriver sur les bords du lac.

« Entendez-vous, Fabian ? s’écria Bois-Rosé ; c’est la voix de votre libérateur. Sans l’instinct de ce noble animal, peut-être eût-il été trop tard pour arriver à vous ;