Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/69

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néanmoins, ce n’est qu’après de longues recherches que nous l’avons trouvé. Vous le connaissiez donc aussi, et même mieux que nous, puisque sans hésitation, sans perdre un instant, vous avez donné juste au milieu de ce que vous appelez un placer, et que vous avez déjà récolté, ma foi, de quoi bâtir une église à votre patron ? »

Cuchillo, au souvenir de l’imprudence qu’il avait commise et à cette attaque indirecte, sentit ses jambes fléchir sous lui.

« C’est aussi mon intention de n’employer cet or qu’à de pieux usages, dit-il en dissimulant son angoisse du mieux qu’il put. Quant à la connaissance de ce vallon merveilleux, c’est un… c’est au hasard que je la dois.

– Le hasard vient toujours en aide à la vertu, répliqua flegmatiquement Pepe. Eh bien, à votre place, je ne serais pas, néanmoins, sans inquiétude au sujet du voisinage de ces deux sapins.

– Que voulez-vous dire ? s’écria Cuchillo en pâlissant.

– Rien, si ce n’est que ce pourrait être pour vous un de ces petits inconvénients dont vous disiez tout à l’heure que l’homme ne doit pas se soucier. Vive Dieu ! vous avez un butin à rendre un roi jaloux.

– Mais j’ai gagné loyalement cet or. Pour le mériter, j’ai commis un meurtre : ce que j’ai fait ne valait pas moins… que diable ! Je n’ai pas l’habitude de tuer gratis, » s’écria Cuchillo exaspéré, et qui, se méprenant sur les intentions du carabinier, ne vit dans ses réticences alarmantes que le regret de la cupidité déçue.

Comme le marin qui, surpris par la tempête, jette à la mer une partie de sa cargaison pour sauver l’autre, Cuchillo se résolut en soupirant à conjurer par un sacrifice le danger dont il se sentait vaguement menacé.