Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/195

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humides et suppliants. Les mouvements convulsifs de son corps trahissaient son angoisse, et décelaient le combat qui se livrait en elle. Ses membres tremblèrent un instant, puis, poussant trois hurlements douloureux, elle disparut loin de moi, dans la poussière que soulevait le galop de son compagnon bien-aimé ; je restai seul. Le cœur partagé entre la rage et la douleur, je fus tenté un moment de me venger de ma déconvenue sur le malheureux cheval que le sort me laissait, mais ce ne fut qu’un court instant de faiblesse. J’avais appris, dans les traverses multipliées d’une vie d’aventures, la difficile vertu de la résignation ; les phases diverses de cet épisode sentimental s’étaient accomplies en outre sous l’empire de circonstances si bouffonnes, que je finis par me jeter sur l’herbe en poussant un fol éclat de rire.

Ma déconvenue avait changé mon itinéraire ; il ne m’était plus possible de gagner ce jour-là Vera-Cruz, monté comme je l’étais ; je résolus donc de passer la nuit à Manantial, petit village que je supposais à une lieue de là tout au plus. J’avais dès lors du temps devant moi, et je ne pouvais mieux l’employer qu’à faire la sieste, à l’ombre des arbres, dans la verte solitude où je me trouvais. C’était une des parties les plus pittoresques des forets qui s’étendent depuis Puente-Nacional jusqu’à Vergara. Au milieu de ces fourrés épais, d’étroits sentiers tracés par la