Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/249

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à ce climat dévorant, se battaient et se culbutaient sur le sable, sans égard pour leur fine chemise de batiste brodée. Je souris involontairement, en comparant ces commissionnaires fastueusement vêtus à nos modestes portefaix auvergnats, et, après avoir renouvelé à Calros la promesse de le rejoindre bientôt, je me dirigeai vers la maison de mon correspondant. Je passerai sous silence les incidents insignifiants qui remplirent ma journée jusqu’au moment où je dus songer à quitter la ville pour me rendre à Boca-del-Rio. La nuit était déjà close quand je me mis en route, maudissant de bon cœur l’insistance de Calros, qui ne me permettait pas de manquer à ma promesse.

Le vent commençait à se déchaîner du côté du nord, quand j’arrivai sur la grève après avoir dépassé les barrières de la ville. De gros nuages noirs impétueusement charriés masquaient entièrement le ciel ; un souffle glacial, tout chargé des frimas de la baie d’Hudson, venait par intervalles me frapper à la figure. La lame déferlait en mugissant et chassait jusqu’aux pieds de mon cheval de longues traînées d’une écume éblouissante. À mesure que j’avançais, la tourmente paraissait redoubler de fureur, et l’obscurité s’épaississait de plus en plus. Forcé parfois de faire volte-face pour échapper à la pluie de sable que le vent me lançait à la figure, j’aper-