Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/31

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mais bientôt la jalousie lui tortura le cœur, et en cet instant, elle paya bien cher le court moment de bonheur qu’elle avait goûté ; ne pouvant plus longtemps résister à la douleur qui l’oppressait, elle sortit du salon pour cacher ses larmes.

Henriette ne savait non plus que penser ; mais elle se réjouit intérieurement de la souffrance de Gabrielle, et se consola de l’indifférence de Paul à son égard par l’espoir de triompher aisément de la passion jouée ou du moins superficielle qu’il venait de témoigner à ses deux rivales.



IV.


Cette nuit-là, aucune des trois sœurs ne dormit. Retirées dans leurs chambres, chacune d’elles s’abandonna à ses réflexions. Une agitation pleine de pressentiments suspendait leur sommeil ; elles sentaient s’approcher un de ces moments suprêmes qui décident de toute l’existence.

Gabrielle, après avoir longtemps pleuré, se consola, car la nuit développe aussi facilement l’espérance que le chagrin.

— Peut-être a-t-il seulement voulu m’éprouver, se dit-elle. Oh ! oui, il m’aime ; s’il avait voulu me tromper, ce serait infâme… non, il ne me trompe pas… il était aussi ému que moi, car sa voix tremblait… Ne m’a-t-il pas dit : demain, tout le monde saura que nous nous aimons…

Mais bientôt sa jalousie se ranimait, et ses larmes recommençaient à couler. Toute la nuit pour elle se passa donc en douloureuses appréhensions et en délicieux souvenirs.