Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/34

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reux de village, pour lequel elle n’éprouvait plus qu’une répugnance mêlée de honte. Or, pendant les six mois qu’avait duré leur intrigue, un trou dans le mur leur avait servi de petite poste.

Dans cette dernière lettre, l’ambitieux villageois, voyant un rival dans M. de Vaudrey, reprochait à Henriette, en termes insolents, sa froideur et ses mépris, et terminait en lui demandant pour le jeudi suivant un rendez-vous dans une allée du parc, entre dix et onze heures de la nuit, la menaçant de sa vengeance pour le cas où elle refuserait de s’y rendre.

Henriette froissa ce billet dans ses mains et, oubliant de le brûler, le jeta à terre avec indignation.

Je le connais assez, pensa-t-elle, pour savoir qu’il exécuterait ses menaces ; j’irai donc à ce rendez-vous, afin de prévenir le tapage et le scandale. Ô mon Dieu ! j’ai été légère ! Où cette intrigue aurait-elle pu me conduire ? Quelle humiliation ! Subir de pareils reproches d’un manant de cette espèce ! Moi, une Charassin ! ai-je donc pu m’oublier à ce point ! Si mon père le savait !… Puis tout à coup, faisant un geste de triomphe : – Ah ! enfin une idée ! s’écria-t-elle. Cet indigne amour qui me couvre de confusion, je le ferai servir à la réussite, de mes projets. Et elle se plongea dans une profonde méditation.

Quand trois heures du matin sonnèrent à l’horloge de l’église, son plan était arrêté ; elle se coucha et dormit profondément jusqu’à six heures et demie.