Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/40

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semblez que trop, et vous êtes indigne des Charassin et des Vautravers. Soyez donc aussi maudite ! je vous renie pour mon enfant.

Épuisé par l’énergie avec laquelle il avait déclamé cet emphatique discours, le pauvre baron se renversa sur le dossier de son fauteuil dans un profond accablement. Ces grands emportements, propres aux hommes faibles, sont ordinairement suivis de réaction. Henriette comprit donc qu’elle avait suffisamment effrayé son père, et, achevant de jouer le rôle qu’elle s’était tracé, elle se jeta à ses genoux.

— Mon père, mon bon père, dit-elle tout en larmes, pardonnez-moi ; je suis moins coupable que vous ne le pensez. Ne me croyez pas ingrate. Si vous saviez ce que j’ai souffert depuis que je vous ai parlé.

Cependant le baron restait impassible.

— Un mot, un regard de pardon, supplia-t-elle.

M. de Charassin ne demandait qu’à pardonner. Il abaissa les yeux, mais les voilant aussitôt :

— Ah ! mon Dieu ! dit-il, c’est toute sa mère. Viens, mon enfant, viens dans mes bras ; mais tu oublieras tes folles idées, n’est-ce pas ?

— Pourtant, mon père, si vous vouliez m’entendre ? objecta timidement Henriette.

— Tais-toi, pas un mot de plus sur cette sotte intrigue, interrompit le baron avec autorité. Ma volonté est que tu épouses M. de Vaudrey. À cette condition, je te pardonnerai la peine que tu viens de me causer. Aujourd’hui même je parlerai à Paul.

Henriette, qui ne s’attendait pas à un résultat aussi prompt et aussi conforme à son désir, répondit en dissimulant sa joie sous un air de résignation :