Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/57

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Petit et frêle, M. de Charassin professait un profond respect pour la force et les hautes tailles, aussi M. de Morges, réalisait-il son idéal. Aveuglé par l’amitié, le baron lui continuait, à trente ans de distance, son admiration des anciens jours et le voyait encore tel qu’il l’avait connu dans les gardes du roi.

Le jour de l’arrivée de M. de Morges au château de Domblans, Gabrielle éprouvait une de ces gaîtés nerveuses qui lui rendaient momentanément toute son animation et toute sa fraîcheur ; son regard, tantôt voilé et languissant, tantôt brillant d’un éclat fébrile, annonçait une telle richesse de vie, une telle exubérance de tendresse qu’on se sentait enveloppé dans ce regard comme dans une atmosphère magnétique. M. de Morges subit cette fascination. Il se piquait d’être connaisseur en femmes, et fut vivement frappé de la beauté de Gabrielle. La galanterie avait occupé la plus grande partie de sa vie oisive ; mais ce Don Juan de coulisses et de garnison, devant les charmes si purs de cette enfant, eut le cœur sérieusement troublé et se sentit pour elle une violente passion.

Après plusieurs nuits d’insomnie qui ne réussirent point à pâlir sa rubiconde figure, ni à diminuer d’une ligne l’épaisseur de sa taille, M. de Morges résolut d’en finir avec la vie de garçon et d’apposer sur l’arbre généalogique de la maison de Morges le nom de la belle Gabrielle de Charassin. Décidé à se retirer en province dans son château seigneurial, il voyait dans cette jeune fille une délicieuse compagne qui charmerait ses jours de repos et de solitude, et a-