Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faire une tentative auprès de M. de Vaudrey.

Elle ne le revit que le soir à dîner. Pendant le repas, ils furent silencieux et contraints ; mais lorsque les domestiques se furent retirés, M. de Vaudrey engagea la conversation par un sarcasme.

— Convenez, madame, que je suis un mari débonnaire. Ce serait, il est vrai, compromettre ma dignité que de ressentir et à plus forte raison de témoigner quelque jalousie à l’égard d’un butor de cette espèce. Vous avez eu là un singulier goût. Lorsque je me compare à ce manant, j’ai de la peine à m’expliquer comment, si ce n’est par l’amour des contrastes, vous avez pu me faire succéder dans vos bonnes grâces à un Joseph Duthiou.

— Trêve de railleries ! monsieur, je vous en prie, dit Henriette avec des larmes dans les yeux.

— Comment donc ! faut-il prendre au sérieux de pareilles amours ?

— Cet homme demande six mille francs, fit Henriette en hésitant et en baissant la tête ; à ce prix, il se taira.

— Six mille francs ! exclama Paul, il est fou, ou vous-même avez perdu l’esprit.

— Je les ai promis.

— Avez-vous donc une cassette particulière ?

— J’ai compté sur vous.

— Vous avez compté que je paierais six mille francs le silence de M. Duthiou. Allons, c’est une mauvaise plaisanterie.

— Est-ce donc acheter trop cher l’honneur de votre femme ?

— D’ailleurs, s’écria Paul avec emportement, quelle garantie aurions-nous de la promesse de ce misérable ? C’est un silence qu’il faudrait acheter tous les jours.