Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/90

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n’avait poursuivi qu’un but, celui de s’enrichir en épousant une dot.

Hélas ! Gabrielle n’était point préparée à de telles révélations. En cherchant à guérir sa sœur, Henriette, dans son inexpérience, n’avait pu calculer la portée, ni mesurer la dose de ces énergiques réactifs de l’ordre moral. La pauvre malade était trop faible pour supporter sans danger une pareille épreuve. Ces révélations, en détruisant sans retour chez elle cette poésie des sentiments qui est l’essence même de certaines natures d’élite, lui causèrent une révolution profonde.

Vers le soir, elle fut prise d’un accès de fièvre, accompagné de délire. On appela le médecin en toute hâte.

— Cette crise peut la sauver, dit-il, comme elle peut la tuer.

La fièvre dura huit jours, huit jours d’une indicible anxiété pour Henriette et Renée qui veillaient sans relâche au chevet de leur sœur. Enfin, le neuvième, il y eut un mieux sensible, la fièvre se calma ; l’espoir revint au cœur de cette famille désolée.

Gabrielle voulut se lever, et le médecin fut d’avis de ne point la contrarier. Elle désira qu’on lui fît un peu de toilette : on lui passa une robe de chambre de cachemire blanc.

– J’ai presque l’air d’une mariée, dit-elle en souriant.

Puis elle demanda des fleurs, de l’air et du soleil. On lui apporta les plus belles fleurs de la serre, et elle les fêta avec une joie d’enfant. On ouvrit la fenêtre. C’était une belle journée d’avril, un peu froide, mais gaie et vivifiante. La malade respira ce grand air avec une sorte de volupté.

— Comme c’est bon ! disait-elle, comme c’est bon, cet air pur ; il me semble que j’aspire une vie nouvelle. Oh non, je le