Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/96

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ner, c’est à dire leurs hommages superficiels, a seule la chance d’être heureuse. Aussi, quand ma pauvre petite Gabrielle aura atteint l’âge d’aimer, je tâcherai de redevenir jeune et lui enseignerai la coquetterie, afin de la prémunir contre les écarts de la passion.

Quand Mlle de Charassin eut cessé de parler, il se fit entre nous un moment de silence.

Je pensais à ces trois jeunes filles, à ces trois destinées brisées par un indigne amour. La plus malheureuse, me disais-je, n’est-ce point encore Renée, Renée dont l’âme noble et élevée, dont le cœur généreux et tendre, transformés par d’horribles déceptions, répudient l’amour et l’idéal comme une duperie, comme une chimère. Elle, coquette ! J’eus peine à réprimer un triste sourire. La coquetterie et les froids calculs auraient-ils jamais pu s’allier avec sa candeur et sa bonté natives ? Mais je n’eus pas la force de combattre ses conclusions ; je ne sentais en moi que de l’admiration pour son dévouement, que de la pitié pour son malheur.

Le reste de la soirée se passa en causeries pleines de mélancolie, égayées parfois de nos souvenirs d’enfance ; et le lendemain matin, je pris congé de Renée et du vieux baron, en les remerciant de leur bon accueil ; mais j’emportais de leur demeure de bien amères pensées.

MARIE GAGNEUR.
FIN.