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Page:Garneau - Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours, tome IV, 1852.djvu/264

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HISTOIRE DU CANADA

l’Acadie, on protestait contre les mesures de la métropole, et le Daily Express de New-York publiait une correspondance canadienne où l’on parlait d’un appel aux armes et faisait l’histoire de la révolution américaine. Un peu plus tard, on pendait le gouverneur en effigie, et des bandes d’hommes armés rôdaient dans le comté du lac des Deux-Montagnes et obligeaient la justice d’intervenir. Partout enfin on s’agitait pour appuyer ou les 92 résolutions ou le gouvernement, dont les amis s’assemblaient à leur tour pour lui promettre leur appui et s’opposer au parti du mouvement. Leurs assemblées à Québec et à Montréal furent très nombreuses, beaucoup de gens s’y étant ralliés parce qu’ils étaient convaincus qu’il était hors de question de lutter contre l’Angleterre, les colonies divisées comme elles l’étaient. Dans les États-Unis les journaux étaient bien partagés, et l’on pouvait être certain que le gouvernement de Washington n’interviendrait que quand la cause républicaine serait à peu près gagnée, c’est-à-dire pour enlever le prix de la victoire.

C’est sur ces entrefaites qu’arriva la nouvelle que lord John Russell avait déclaré le 23 juin dans les communes, que comme il espérait que le Bas-Canada pèserait sérieusement les résolutions qu’elles avaient passées, il suspendrait le projet de loi auquel ces résolutions devaient servir de base, espérant qu’il verrait que ses demandes étaient incompatibles avec son état colonial ; mais qu’il ne serait fait aucun changement organique à la constitution. C’était annoncer une nouvelle session à Québec. Lord Gosford répugnait, malgré son rapport avec les autres commissaires, aux mesures extrêmes ; et quoiqu’il n’attendît aucun bien d’une dissolution, il espérait que les changemens qu’il suggérait de faire dans les deux conseils et que les ministres allaient finir par adopter, pourraient avoir un bon résultat. Il ne voulait pas croire non plus à des troubles sérieux, et il ne fit usage de l’ordre qu’il avait de faire venir des troupes du Nouveau-Brunswick que dans les derniers momens. Il pensait qu’il y avait beaucoup d’exagération dans les rapports des assemblées tenues par les partisans de M. Papineau ; que les affaires pourraient marcher si les deux conseils étaient libéralisés, et que rien n’était plus erroné que de supposer que la masse des Canadiens-français fût déloyale ; qu’il avait toutes les raisons de penser le contraire.