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six semaines dans un phare.

— Non, docteur, c’est le récit des campagnes de Chasse-Marée qui l’a trop émotionné.

— Je défendrai les récits, si le malade n’est pas plus raisonnable que les conteurs.

— Oh ! moi qui aurais voulu que Chasse-Marée parlât toujours ! murmura Paul.

— Alors c’est heureux qu’il ait fini, grogna Clinfoc.

La journée se passa plus calme pour le blessé. Son oncle seul eut la parole, et comme le docteur avait défendu toute espèce de récit, il fut muet ; ce qui ne laissa pas de le faire enrager, mais il passa sa colère sur Clinfoc qui voulait à toutes forces donner des leçons de navigation au malade.

Le soir, Paul avait beaucoup moins de fièvre. Les marins entrèrent à pas de loups dans la chambre, et chacun s’installa comme les soirs précédents. On commença par causer tout bas, et peu à peu la conversation s’animant devint générale, et Paul lui-même qu’un sommeil de deux heures avait bien reposé, ne put s’empêcher de s’y mêler.

Le père Vent-Debout et Clinfoc étant occupés l’un et l’autre à ce que le blessé ne fît pas trop attention à ce qu’on disait, se disputaient comme à leur habitude, et Paul en profitait pour causer avec le père La Gloire qui, sachant que c’était son tour de parler, s’était approché du lit.

Le capitaine s’en aperçut, Clinfoc aussi, et tous les deux se reprochèrent de ne pas faire attention au « petit. »

— Ne vous disputez pas, dit Paul. Vous me rendriez malade.

Le serviteur et le maître se jetèrent un regard furieux qui voulait dire : « C’est votre faute, » mais ne répliquèrent pas.

— Si mon oncle était bien gentil, il laisserait le père La Gloire me raconter quelques péripéties de sa vie de marin.

— Je ne sais si je dois… dit le capitaine.

— Pardine ! riposta Clinfoc, vous pouvez bien. La marine