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six semaines dans un phare.

goëlette, et le radeau se trouva assez près du rivage pour qu’on pût y aborder. J’avais de la poudre et deux pierres à fusil. On s’en servit pour allumer un grand feu qu’on entretint avec la graisse d’un éléphant marin que nous tuâmes en arrivant.

Quand nous fûmes réchauffés, nous recueillîmes les débris de la goëlette que les flots amenaient au rivage, des vergues, le grand mât de hune avec ses voiles et ses cordages, des barriques vides, un sac de biscuit et quelques outils. Les biscuits détrempés dans l’eau douce apaisèrent notre faim, et les voiles nous firent un abri.

Le lieu où nous étions était une vallée sans végétation entourée de montagnes arides, et recouverte de neige. On y bâtit tant bien que mal une hutte avec des planches du navire et des peaux d’éléphants marins. Je baptisai cet endroit : la Baie du naufrage.

À coups de pierres et de bâtons nous abattîmes des oiseaux de la race des pingouins, on tua des petits éléphants, on alla dénicher sur le rivage les œufs d’albatros, et pendant quelques temps on espéra ne pas mourir de faim.

Mais la neige et le vent redoublèrent, et il nous fut impossible de rien trouver, les oiseaux eux-mêmes se cachaient pour échapper à la fureur de l’ouragan. La faim commença à nous décourager. Trois des nôtres périrent sans qu’on pût leur porter secours. À toutes forces il fallait faire une expédition dans les terres.

Cette expédition réussit. Nous tuâmes des éléphants et des loups marins, nous trouvâmes des nids d’oiseaux remplis d’œufs, et des touffes d’herbes amères pour assaisonner la nourriture. La peau des amphibies nous fournit des vêtements, que nous cousions au moyen d’aiguilles fabriquées avec des os d’albatros.

— Robinson Crusoé, murmura Paul.

— La santé revint avec l’espérance. On finit par s’acclimater.