Page:Garnier - Six semaines dans un phare, 1862.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
six semaines dans un phare.

préférable et cela séduit davantage une jeune imagination.

Par malheur Paul, qui ne cachait rien à sa mère, lui raconta un soir les propositions de son frère. Ah ! ce fut une scène épouvantable. Vent-Debout se démasqua dès lors et il dit à sa famille tout ce qu’il avait sur le cœur. Ce fut long.

Quand il eut fini, il se sentit soulagé et partit. Paul fut le seul qui pleura.

Le trois-mâts de Vent-Debout était mouillé au port de la Rochelle. Notre marin alla dans cette ville et se logea à l’hôtel en attendant le jour du départ. Il devait se rendre à la Martinique, transporter des marchandises de toutes sortes pour le commerce de l’île, une de nos plus belles colonies.

Il avait déposé ses fonds chez le notaire de la famille Valgenceuse. Il devait même y laisser une somme assez ronde que le notaire ferait fructifier et dont il capitaliserait les intérêts jusqu’à son retour. Sa première visite fut pour son argent qu’il voulait emporter pour le placer hors de France, résolu qu’il était de ne plus y revenir, du moins de très-longtemps.

Là, il apprit ce qu’il ignorait et ce que sa mère par délicatesse lui avait laissé ignorer. C’est que son père était à peu près ruiné. Certes la fortune des Valgenceuse était loin d’être considérable, mais elle suffisait largement aux besoins des deux vieillards. Restait la question d’élever Paul, et on sait ce que coûte l’éducation d’un enfant et ce qu’il coûte encore quand il fait ses premiers pas dans la vie. M. de Valgenceuse, pour arrondir cette modique fortune et laisser à Paul les moyens de faire figure dans le monde où il lui marquait d’avance sa place au premier rang, s’était lancé dans des spéculations hasardeuses qui n’avaient pas réussi et ne lui avaient laissé que le strict nécessaire. Ce n’est qu’au prix des plus grandes privations qu’on parviendrait à élever Paul et encore ne lui laisserait-on pas une obole pour débuter dans la carrière qu’il embrasserait.