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la tour de cordouan.

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— Embrasse ton oncle, dit-elle.

— Merci, madame.

L’enfant ne se le fit pas dire deux fois.

— Ah ! tu es mon oncle ? Papa doit-être bien content là-haut. Maman ne sera plus seule, n’est-ce pas que tu ne nous abandonneras pas ?

À ces mots de Paul, le capitaine qui depuis son départ n’avait pas pleuré une seule fois se mit à sangloter. Ô larmes bienheureuses, si elles avaient pu noyer les remords du passé !…

Clinfoc parut à son tour ; sa figure tuméfiée et ses yeux rouges attestaient qu’il avait pleuré.

— C’est assez pleurer, mon capitaine, dit-il d’une voix rude, il faut agir.

— Croquemitaine ! cria Paul effrayé.

— Tu fais peur à cet enfant… Madame, c’est mon fidèle matelot, un autre moi-même. Ne craignez rien. Il a l’air bourru, mais il est bon comme du pain blanc.

— Alors pourquoi qu’il ne vient pas m’embrasser ? dit Paul.

— Fichu moussaillon, si ce n’était pas par respect pour la mère… je te flanquerais le fouet. Dieu ! qu’il est beau, ce gredin-là ! Comment allons-nous faire pour qu’il nous aime bien ?

Clinfoc, moitié riant, moitié pleurant, avait pris l’enfant dans ses grosses mains calleuses et le dévorait de baisers.

Paul sautait et riait. Il se sentait à l’aise, pauvre enfant qui n’avait pour compagnon que la douleur de sa mère et n’avait pas encore pu sourire à la joie et à l’amitié !

Madame de Valgenceuse ne disait rien, mais elle était heureuse. Laissons-la pour un instant à ce moment de bonheur qui fut de si courte durée, car elle ne survécut que peu de temps à son mari, et repassons à vol d’oiseau les quelques événements qui se succédèrent après sa mort.

Tant que sa belle-sœur vécut, le père Vent-Debout voyagea