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six semaines dans un phare.

nous coupa la retraite. Le combat était inévitable, mais dans quelles conditions ?

J’entendis le capitaine crier le branle-bas de combat, je vis le second faire la distribution d’armes et les servants s’approcher des caronades. Je ne pus m’empêcher de tressaillir, et je me passai la main sur la figure. J’étais rouge de honte. J’avais encloué les canons !

— Qui trahit-on ici ? me dis-je dans un éclair de raison. Au moment de faire feu, le capitaine s’aperçut de l’enclouement des caronades, et pâle de fureur il appela tout le monde sur l’arrière :

— Enfants, s’écria-t-il, plutôt que de tomber dans les mains de ces pirates, je ferais sauter le navire, mais nous allons payer chèrement notre triomphe ou notre défaite. Pour cela, il faut nous débarrasser des traîtres qui sont ici et qui ont déjà encloué nos caronades.

— C’est inutile de vous déranger, capitaine, répondit le Génois, des traîtres, il n’y en a qu’un ici, et le voilà.

Et me saisissant par le bras, il me poussa hors du cercle. Je regardais sans comprendre.

— Réponds, traître, est-ce toi qui as encloué nos canons ?

Une réaction s’opéra dans mon esprit, et retrouvant mes forces à défaut de parole, je sautai sur le Génois, je le saisis à la gorge, et, le ployant comme un roseau, je le jetai à demi suffoqué aux pieds du capitaine.

— Le traître, dis-je, le voilà, et il y en a d’autres. Je les trouverai. Quant à moi, capitaine, vous me ferez fusiller, je le mérite, mais après le combat.

À peine avais-je dit ces paroles, que le Malais, le Maltais et les Provençaux se mirent sur la défensive en criant :

— À nous Génois, les Indiens arrivent ! le Pinson nous appartient.