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antenolle.

route, un capitaine négrier, ami de maître Tranche-liard, les avait recueillis ; ils étaient allés jusqu’à la Blanchette, croyant nous y trouver encore, et ne nous y trouvant pas, comme de juste, ils avaient pensé que nous aurions suivi le chemin qui menait à la côte la plus prochaine. Le hasard qui nous avait servis, les servit à leur tour. Ils arrivèrent à temps.

Ce qui nous inquiétait, c’était que la voile avait disparu. Mais le lieutenant nous rassura en nous disant que le capitaine faisait voile pour Zanzibar, qui n’était distant que de dix lieues, pour faire son chargement d’ébène et que, dès que nous serions reposés, nous irions le rejoindre en suivant la côte.

Il y avait bien à redouter notre entrée à Zanzibar, où notre escapade était connue et où le gouverneur pourrait bien nous faire arrêter pour avoir démoli ses sujets et avoir fait de la contrebande, mais les deux capitaines se chargeaient d’arranger l’affaire.

Le lendemain nous partîmes, excepté Tombaleau qui ne pouvait marcher et que les Arabes se chargèrent de transporter à Zanzibar. Notre troupe se composait de dix hommes, le lieutenant Noël, deux matelots de la Blanchette et moi, plus cinq matelots ou négriers, bien armés et bien équipés. Noël et moi n’avions qu’une grande pique. On nous donna un guide pour traverser une forêt, assez dangereuse, paraît-il, mais rien ne nous effrayait.

Pourtant quand nous fûmes perdus dans la masse sombre et épaisse de la forêt, nous ralentîmes le pas. Le chant et les rires cessèrent, et nos regards effarés en dirent long. Ce fut pire quand la nuit arriva et qu’il nous fallut camper. La végétation qui nous entourait dans ses liens de verdure, nous faisait un rideau si épais, qu’on n’apercevait rien du ciel ni de la terre qui disparaissait sous des touffes de hautes herbes. Personne ne put dormir. Dès que le soleil perça l’ombrage, chacun se coucha et se mit à rattraper le temps perdu en ronflant à qui mieux mieux.