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la vie dans les phares.

qu’une simple tour pût être emménagée comme un navire. C’étaient quatre chambres superposées et dominées par la lanterne. Celle du bas servait de magasin, celle du milieu de cuisine, la dernière de chambre à coucher. Le seul exercice qu’on pût se donner était de monter et de descendre ; car il y avait trop peu de largeur dans chacune d’elles. Mais, enfin, on ne peut pas tout avoir !…

— Quand on a couru le monde, se dit-il, on est bien aise de rencontrer un tel asile ! Que diable ! il n’est pas agréable de faire le quart sur le pont d’un navire, par une nuit froide et pluvieuse, ballotté par le tangage et le roulis, ou bien de grimper dans la mâture pour prendre des ris pendant un coup de vent. Maudit Neptune ! m’en as-tu fait voir de dures ? Pendant trois semaines pour te sauver, il a fallu vivre au milieu de fatigues continuelles, sans ôter nos vêtements, sans pouvoir dormir une heure. D’un côté, la mer avec ses lames courtes et dures, de l’autre, la brise aiguë qui nous fouettait le visage et les mains. Jour et nuit aux pompes, quand on n’était pas à la manœuvre ! Et pas de provisions ! Tandis qu’aujourd’hui, je n’ai qu’à entretenir une lampe et à veiller pendant quelques heures dans un bon fauteuil. Un bon lit, une bonne nourriture m’attendent à l’abri des tempêtes. Il n’y a que mon camarade qui ne soit pas bon ! C’est une éducation à faire.

Voilà ce que se disait le nouveau gardien le premier jour, ne se doutant pas que bientôt il regretterait la destinée à laquelle il se félicitait d’avoir échappé, et qu’il ne tarderait pas à échanger son bien-être contre les plus dures épreuves de la vie de matelot.

Les veillées de nuit se faisaient par moitié. Jusqu’à minuit, c’était le tour du vieux. À minuit, il descendait se coucher, et notre héros prenait sa place jusqu’au matin.

Une nuit, il s’ennuya ; et pour se distraire descendit chercher