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six semaines dans un phare.

la vie, mais encore de la jambe du malade. Seulement, il ne fallait pas songer à le ramener à Royan, avant un mois au moins.

Alors on vit un vieillard se lever en tremblant et tomber à genoux devant le lit de Paul. C’était le capitaine, qui pouvait enfin pleurer et parler :

— Mon pauvre enfant, je ne suis sur terre que pour faire du mal à ceux que j’aime. Pourquoi Dieu me laisse-t-il vivre ? Est-ce pour faire souffrir les autres ? Ah ! pourquoi ne m’a-t-il pas enlevé plus tôt, quand tu n’avais que cinq ans ! Clinfoc aurait veillé sur toi, et tu ne serais pas, à l’heure qu’il est, en danger de mort.

— Mon oncle, dit Paul d’une voix faible, vous me faites mal. Relevez-vous et embrassez-moi. Ce ne sera rien, allez.

— Ne le faites pas parler, dit le docteur, du repos et pas d’émotions.

— Allons, capitaine, c’est pas le tout, il faut vous reposer. Au lit. J’ai bien assez d’un malade sans que vous vous donniez la fantaisie de vous rendre malade aussi.

Cette fois, c’était Clinfoc qui parlait et arrachait le capitaine du lit de Paul pour le conduire dans une autre chambre, où il le coucha comme un enfant. Les deux vieux marins s’étaient embrassés en pleurant. Ils n’avaient pu se dire autre chose.

Paul fut très-bien soigné et guérit rapidement ; mais la convalescence fut longue. Le docteur avait demandé un mois ; il fallut six semaines pour que le blessé pût marcher. Le jeune homme était désolé, à cause de ses examens que cette maladie allait retarder, et, malgré les bons soins du gardien, la présence de son oncle et la bonne humeur de Clinfoc, il s’ennuyait et trouvait le temps long.

Les gardiens, d’accord avec le capitaine, lui firent une proposition, celle d’occuper les soirées par des récits maritimes, choisis dans les souvenirs de leur vie accidentée de marins. Cette proposition sourit à Paul. L’un d’eux lui dit :