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récit de chasse-marée.

Le lendemain, au point du jour, nous installâmes nos embossures de manière à pouvoir spontanément présenter nos batteries au large et recevoir dignement l’ennemi. Bloqués comme nous l’étions, nous ressemblions à une souris guettée par un chat. Notre position était si critique, que personne n’entrevoyait le moyen d’en sortir, seulement avec cette habitude des dangers qu’ont les marins, chaque équipage se reposait avec confiance sur L’Hermite, persuadé que, tant qu’il serait vivant, on n’avait pas à craindre de tomber entre les mains des Anglais.

Notre capitaine confirma cette opinion en prenant une précaution à laquelle personne n’avait songé et qui nous mit en sûreté en triplant nos moyens de défense.

Il fit mettre les équipages à terre, fit creuser les récifs de la pointe de la baie la plus avancée et y plaça une batterie de 24 canons de 18 et de 12 ; à ces canons qui n’étaient d’aucune utilité à bord des deux navires, car leur position ne leur permettait de se servir que d’une batterie, il joignit la moitié des équipages.

Et nous attendîmes sans crainte la visite de messieurs les Anglais. L’inquiétude avait été remplacée chez nous par l’ennui, et nous ne désirions plus que le retour de l’ennemi pour en finir avec lui, et rentrer dans le port Maurice. Pendant huit jours Monsieur se fit attendre, mais le neuvième jour il se présenta, croyant le succès assuré, une triste désillusion l’attendait.

À son attaque brusque et formidable, nous répondîmes par un tel feu de nos deux navires, qu’un moment il s’arrêta presque surpris et humilié. Puis lorsque tout à coup notre batterie de terre construite à fleur d’eau, c’est-à-dire à l’abri des coups de l’ennemi, joignit aux nôtres son feu dont pas un coup n’était perdu, la stupéfaction des Anglais se changea en fureur, et ils redoublèrent d’efforts.

Fureur impuissante et efforts inutiles. Leur acharnement ne contribua qu’à doubler leurs pertes et à augmenter leur honte.