Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/149

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thier, mais Rose le reconquerrait, puisque Jane allait partir sans esprit de retour. Assurément, Jane lui aurait fait beaucoup de mal ; mais ce sont là des crises auxquelles tous les hommes sont exposés, trop heureux quand elles se bornent à laisser après elles un chagrin que le temps dissipe et que l’affection sûre de l’épouse guérit. Ce n’est pas à l’âge d’Odon qu’un homme est incapable de se ressaisir ; certes il serait aigri par son départ ; il en souffrirait ; il y aurait, pour Rose, quelques mauvais jours à passer ; mais existe-t-il une seule femme au monde qui n’ait connu des heures d’inquiétude au sujet de l’affection de son mari, qui n’ait passé par les épreuves de la jalousie… qui n’ait vu, après l’orage, le beau temps revenir ?

— Non, protestait Rose ; il me fait de la peine mais pas de la jalousie ; je l’aime bien, voilà tout ; allo, tenez : comme on s’aime dans un bon ménage après dix ans de mariage.

Rassurée pour l’avenir, elle finissait par plaindre Odon avec une bonté de sœur aînée. Elle prolongeait des après-midi entières des conversations avec Charles, dans le calme invitant de la boutique. Et, quelquefois, elle s’étonnait : pourquoi, malgré dix ans de vie commune, ne parlait-elle jamais avec son mari qu’à une grande distance de cœur, tandis