Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femme qui ne veut pas qu’on surprenne son chagrin, c’est déjà fini. La surprise, tu comprends… je sentais bien que ça allait se terminer à nous deux, que c’était nécessaire, mais, vrai, je n’avais jamais pensé que ça se terminerait si gentiment ; au moins, tu n’es pas collant, toi ; tu es un amour…

Elle le regarda profondément, de ses yeux « miroirs d’or vert, couleur des forêts au printemps » et, d’une voix sombrée :

— On se reverra, tu sais. Il y aura, toujours et partout, un petit morceau de Jane Reclary pour toi, le meilleur.

Elle alluma une cigarette et fuma en silence, les sourcils rapprochés par la réflexion, si préoccupée que — chose inouïe — l’écrin restait sur la table sans qu’elle y touchât dans son enveloppe de papier glacé, barrée de la croix du mince ruban bleu. Rien ne bougeait dans la pièce ; les becs de gaz brûlaient avec un sifflement lent et doux.

— Il ne fait pas gai ici, dit enfin André ; rentrons, c’est mon avant-dernière nuit…

Alors elle aperçut l’écrin délaissé, l’ouvrit, vit la bague, fit jouer la lumière dans les pierres. Puis d’un mouvement fébrile, elle écrasa la tête d’André sur ses seins et lui baisa les cheveux.

— Je t’aime, dit-elle pleine de joie.

Elle était sincère.