Page:Garnir - À la Boule plate.djvu/28

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Cela ressemblait à un cri de guerre sioux ou comanche. Ce cri, lancé à de certaines heures par Rose, d’une façon particulière, traversait la maison, trouait les paliers, perçait les planchers, de la cuisine au toit. Un « me v’là, Madame » angoissé, lui échotait. Aussitôt, un déluge de reproches, de plaintes et de menaces éclatait : Mme Rollekechik servait à Adla-Hitt son « plat du jour ».

Rose, si vraiment bonne, si universellement indulgente, était passée maîtresse dans l’art de « ramasser les sujets ». À son sens, cela faisait partie de ses devoirs de bonne ménagère. Elle tenait ça de sa mère, Eulalie Neerinckx, dite Kiekepoutje. Elle l’avait vue et entendue, dès son enfance, sa mère, se livrer à cet exercice, sans brutalité d’ailleurs, sans mots poissards, sans colère, plutôt par hygiène.

Cela crevait sur Adla-Hitt ainsi qu’une nuée d’orage, en à-coups pressés et sonores, ou en mots menus qui crépitaient tels des grelons sur un toit de serre.

Cette drache tombait en moyenne une fois par jour, vers les 10 heures du matin ; le dimanche, deux fois, parce que c’était jour férié.

Adla-Hitt se mettait au port d’armes, la lippe pendante, l’œil atone dès qu’elle sentait arriver la dégelée ; elle la recevait avec une patience stoïque et une rési-