Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/155

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moment s’ouvrit la petite fenêtre de Sylvia, et il l’entendit lui dire : — « Adieu, Philip ! »

Puis, à peine ces mots prononcés, la fenêtre se referma. Philip se rendait bien compte qu’il ne servait à rien de rester là, et que les préparatifs de son départ étaient urgents. Il n’en demeurait pas moins à la même place, comme retenu par quelque charme. Deux simples mots prononcés par la jeune fille avaient suffi pour ranimer en lui l’espérance, pour imposer silence aux reproches.

« Elle est si jeune, se disait-il… Et j’ai froissé son orgueil en lui parlant trop vite d’Annie Coulson… Peut-être aussi ai-je eu tort de lui signaler les craintes de sa mère… Enfin le voilà parti pour six mois, et je reviendrai le plus tôt possible… D’ici là, il l’aura probablement oubliée… Je vivrais quatre-vingts ans, moi, que mon souvenir lui serait fidèle… Dieu la veuille bénir pour m’avoir dit cet : « Adieu, Philip ! » Et il répétait tout haut ces paroles, imitant de son mieux le doux accent qu’elles avaient eu : « Adieu, Philip ! »

IV

UN REFLUX SUR LE FLEUVE AMOUR.

Philip, le lendemain matin, aspirant avec bonheur la brise de mer, longeait les quais d’un bon pas, son havresac sur l’épaule, en route vers Hartlepool où il devait prendre la diligence pour Newcastle. Le ciel étincelait ; les vagues empanachées d’écume venaient mourir sur le sable, presque à ses pieds. À sa gauche, les rochers s’élevaient par étages çà et là coupés par quelques-uns de ces profonds défilés qu’on appelle gullies. Le murmure mo-