Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/101

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ce trouble. Vous vous trompez ; la vision est réelle, l’idée est chimérique : au lieu d’être un blond qui se voit brun, vous êtes un brun qui se croit blond.

― Pourtant je suis sûr d’être le comte Olaf Labinski, et tout le monde depuis hier m’appelle Octave de Saville.

― C’est précisément ce que je disais, répondit le docteur. Vous êtes M. de Saville et vous vous imaginez être M. le comte Labinski, que je me souviens d’avoir vu, et qui, en effet, est blond. ― Cela explique parfaitement comment vous vous trouvez une autre figure dans le miroir ; cette figure, qui est la vôtre, ne répond point à votre idée intérieure et vous surprend. ― Réfléchissez à ceci, que tout le monde vous nomme M. de Saville et par conséquent ne partage pas votre croyance. Venez passer une quinzaine de jours ici : les bains, le repos, les promenades sous les grands arbres dissiperont cette influence fâcheuse. »

Le comte baissa la tête et promit de revenir. Il ne savait plus que croire. Il retourna à l’appartement de la rue Saint-Lazare, et vit par hasard sur la table la carte d’invitation de la comtesse Labinska, qu’Octave avait montrée à M. Cherbonneau.

« Avec ce talisman, s’écria-t-il, demain je pourrai la voir ! »