Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/108

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de la part d’un mari, quelque épris qu’il pût être encore de sa femme, et il marcha assez résolument vers la comtesse.

« Ah ! c’est vous, Olaf ! comme vous rentrez tard, ce soir ! » dit la comtesse sans se retourner, car sa tête était maintenue par les longues nattes que tressaient ses femmes, et la dégageant des plis du bournous, elle lui tendit une de ses belles mains.

Octave-Labinski saisit cette main plus douce et plus fraîche qu’une fleur, la porta à ses lèvres et y imprima un long, un ardent baiser, ― toute son âme se concentrait sur cette petite place.

Nous ne savons quelle délicatesse de sensitive, quel instinct de pudeur divine, quelle intuition irraisonnée du cœur avertit la comtesse : mais un nuage rose couvrit subitement sa figure, son col et ses bras, qui prirent cette teinte dont se colore sur les hautes montagnes la neige vierge surprise par le premier baiser du soleil. Elle tressaillit et dégagea lentement sa main, demi-fâchée, demi-honteuse ; les lèvres d’Octave lui avaient produit comme une impression de fer rouge. Cependant elle se remit bientôt et sourit de son enfantillage.

« Vous ne me répondez pas, cher Olaf ; savez-vous qu’il y a plus de six heures que je ne vous ai vu ; vous me négligez, dit-elle d’un ton de reproche ; autrefois vous ne m’auriez pas