Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux valets, en culotte courte et en cravate blanche, se tenaient immobiles et silencieux derrière les deux fauteuils, placés en face l’un de l’autre, pareils à deux statues de la domesticité.

Octave s’assimila tous ces détails d’un coup d’œil rapide pour n’être pas involontairement préoccupé par la nouveauté d’objets qui auraient dû lui être familiers.

Un glissement léger sur les dalles, un froufrou de taffetas lui fit retourner la tête. C’était la comtesse Prascovie Labinska qui approchait et qui s’assit après lui avoir fait un petit signe amical.

Elle portait un peignoir de soie quadrillée vert et blanc, garni d’une ruche de même étoffe découpée en dents de loup ; ses cheveux massés en épais bandeaux sur les tempes, et roulés à la naissance de la nuque en une torsade d’or semblable à la volute d’un chapiteau ionien, lui composaient une coiffure aussi simple que noble, et à laquelle un statuaire grec n’eût rien voulu changer ; son teint de rose carnée était un peu pâli par l’émotion de la veille et le sommeil agité de la nuit ; une imperceptible auréole nacrée entourait ses yeux ordinairement si calmes et si purs ; elle avait l’air fatigué et languissant, mais, ainsi attendrie, sa beauté n’en était que plus pénétrante, elle prenait quelque chose d’humain ; la déesse se faisait femme ; l’ange, reployant ses ailes, cessait de planer.