Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/131

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comme la veille, et la voix moqueuse de la comtesse lui jeta cette raillerie à travers la porte :

« Revenez quand vous saurez le polonais, je suis trop patriote pour recevoir un étranger chez moi. »

Le matin, le docteur Cherbonneau, qu’Octave avait prévenu, arriva portant une trousse d’instruments de chirurgie et un paquet de bandelettes. ― Ils montèrent ensemble en voiture. MM. Zamoieczki et de Sepulveda suivaient dans leur coupé.

« Eh bien, mon cher Octave, dit le docteur, l’aventure tourne donc déjà au tragique ? J’aurais dû laisser dormir le comte dans votre corps une huitaine de jours sur mon divan. J’ai prolongé au-delà de cette limite des sommeils magnétiques. Mais on a beau avoir étudié la sagesse chez les brahmes, les pandits et les sannyâsis de l’Inde, on oublie toujours quelque chose, et il se trouve des imperfections au plan le mieux combiné. Mais comment la comtesse Prascovie a-t-elle accueilli son amoureux de Florence ainsi déguisé ?

― Je crois, répondit Octave, qu’elle m’a reconnu malgré ma métamorphose, ou bien c’est son ange gardien qui lui a soufflé à l’oreille de se méfier de moi ; je l’ai trouvée aussi chaste, aussi froide, aussi pure que la neige du pôle. Sous une forme aimée, son âme exquise devinait sans doute une âme étrangère. ― Je vous