Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/149

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covie reconnut aussitôt son Olaf adoré, et une rapide rougeur de plaisir nuança ses joues transparentes. ― Quoiqu’elle ignorât les transformations opérées par le docteur Cherbonneau, sa délicatesse de sensitive avait pressenti tous ces changements sans pourtant qu’elle s’en rendît compte.

« Que lisiez-vous là, chère Prascovie ? dit Olaf en ramassant sur la mousse le livre relié de maroquin bleu. ― Ah ! l’histoire de Henri d’Ofterdingen, ― c’est le même volume que je suis allé vous chercher à franc étrier à Mohilev, ― un jour que vous aviez manifesté à table le désir de l’avoir. À minuit il était sur votre guéridon, à côté de votre lampe ; mais aussi Ralph en est resté poussif !

― Et je vous ai dit que jamais plus je ne manifesterais la moindre fantaisie devant vous. Vous êtes du caractère de ce grand d’Espagne qui priait sa maîtresse de ne pas regarder les étoiles, puisqu’il ne pouvait les lui donner.

― Si tu en regardais une, répondit le comte, j’essayerais de monter au ciel et de l’aller demander à Dieu. »

Tout en écoutant son mari, la comtesse repoussait une mèche révoltée de ses bandeaux qui scintillait comme une flamme dans un rayon d’or. Ce mouvement avait fait glisser sa manche et mis à nu son beau bras que cerclait au poignet le lézard constellé de turquoises qu’elle