Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/161

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d’or tout uni, et un cordon de soie plate suspendait son pince-nez ; sa main bien gantée agitait une petite canne mince en cep de vigne tordu terminé par un écusson d’argent.

Il fit quelques pas sur le pont, laissant errer vaguement son regard vers la rive qui se rapprochait et sur laquelle on voyait rouler des voitures, fourmiller la population et stationner ces groupes d’oisifs pour qui l’arrivée d’une diligence ou d’un bateau à vapeur est un spectacle toujours intéressant et toujours neuf quoiqu’ils l’aient contemplé mille fois.

Déjà se détachait du quai une escadrille de canots, de chaloupes, qui se préparaient à l’assaut du Léopold, chargés d’un équipage de garçons d’hôtel, de domestiques de place, de facchini et autres canailles variées habituées à considérer l’étranger comme une proie ; chaque barque faisait force de rames pour arriver la première, et les mariniers échangeaient, selon la coutume, des injures, des vociférations capables d’effrayer des gens peu au fait des mœurs de la basse classe napolitaine.

Le jeune homme aux cheveux auburn avait, pour mieux saisir les détails du point de vue qui se déroulait devant lui, posé son lorgnon double sur son nez ; mais son attention, détournée du spectacle sublime de la baie par le concert de criailleries qui s’élevait de la flottille, se concentra sur les canots ; sans doute le bruit l’im-