Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/191

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marqué comme d’un goût médiocre le faisceau de branches de corail bifurquées, de mains de lave de Vésuve aux doigts repliés ou brandissant un poignard, de chiens allongés sur leurs pattes, de cornes blanches et noires, et autres menus objets analogues qu’un anneau commun suspendait à la chaîne de sa montre ; mais un tour de promenade dans la rue de Tolède ou à la Villa Reale eût suffi pour démontrer que le comte n’avait rien d’excentrique en portant à son gilet ces breloques bizarres.

Lorsque Paul d’Aspremont se présenta, le comte, sur l’instante prière de miss Ward, chantait une de ces délicieuses mélodies populaires napolitaines, sans nom d’auteur, et dont une seule, recueillie par un musicien, suffirait à faire la fortune d’un opéra. — À ceux qui ne les ont pas entendues, sur la rive de Chiaja ou sur le môle, de la bouche d’un lazzarone, d’un pêcheur ou d’une trovatelle, les charmantes romances de Gordigiani en pourront donner une idée. Cela est fait d’un soupir de brise, d’un rayon de lune, d’un parfum d’oranger et d’un battement de cœur.

Alicia, avec sa jolie voix anglaise un peu fausse, suivait le motif qu’elle voulait retenir, et elle fit, tout en continuant, un petit signe amical à Paul, qui la regardait d’un air assez peu aimable, froissé de la présence de ce beau jeune homme.