Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chable ; sa demande, en elle-même, n’avait donc rien de choquant ; mais elle venait d’une manière si soudaine, si étrange ; elle ressortait si peu de la conversation entamée, que la stupéfaction de l’oncle et de la nièce était tout à fait convenable. Aussi Altavilla n’en parut-il ni surpris ni découragé, et attendit-il la réponse de pied ferme.

« Mon cher comte, dit enfin le commodore, un peu remis de son trouble, votre proposition m’étonne — autant qu’elle m’honore. — En vérité, je ne sais que vous répondre ; je n’ai pas consulté ma nièce. — On parlait de fascino, de jettatura, de cornes, d’amulettes, de mains ouvertes ou fermées, de toutes sortes de choses qui n’ont aucun rapport au mariage, et puis voilà que vous me demandez la main d’Alicia ! — Cela ne se suit pas du tout, et vous ne m’en voudrez pas si je n’ai pas des idées bien nettes à ce sujet. Cette union serait à coup sûr très convenable, mais je croyais que ma nièce avait d’autres intentions. Il est vrai qu’un vieux loup de mer comme moi ne lit pas bien couramment dans le cœur des jeunes filles… »

Alicia, voyant son oncle s’embrouiller, profita du temps d’arrêt qu’il prit après sa dernière phrase pour faire cesser une scène qui devenait gênante, et dit au Napolitain :

« Comte, lorsqu’un galant homme demande loyalement la main d’une honnête jeune fille,