Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/278

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loyauté du combat ; le vainqueur le placera sur la poitrine du mort.

— Bonne précaution ! » répondit avec un sourire le Napolitain en traçant quelques lignes sur une feuille du carnet de Paul, qui remplit à son tour la même formalité.

Cela fait, les adversaires mirent bas leurs habits, se bandèrent les yeux, s’armèrent de leurs stylets, et saisirent chacun par une extrémité le mouchoir, trait d’union terrible entre leurs haines.

« Êtes-vous prêt ? dit M. d’Aspremont au comte Altavilla.

— Oui, » répondit le Napolitain d’une voix parfaitement calme.

Don Felipe Altavilla était d’une bravoure éprouvée, il ne redoutait au monde que la jettature, et ce combat aveugle, qui eût fait frissonner tout autre d’épouvante, ne lui causait pas le moindre trouble ; il ne faisait ainsi que jouer sa vie à pile ou face, et n’avait pas le désagrément de voir l’œil fauve de son adversaire darder sur lui son regard jaune.

Les deux combattants brandirent leurs couteaux, et le mouchoir qui les reliait l’un à l’autre dans ces épaisses ténèbres se tendit fortement. Par un mouvement instinctif, Paul et le comte avaient rejeté leur torse en arrière, seule parade possible dans cet étrange duel ; leurs bras retombèrent sans avoir atteint autre chose que le vide.