Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/315

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gerbeer, lacryma-christi blanc et rouge, capri et falerne.

« Quoi ! tu as du vin de Falerne, animal, et tu le mets à la fin de ta nomenclature ; tu nous fais subir une litanie œnologique insupportable, dit Max en sautant à la gorge de l’hôtelier avec un mouvement de fureur comique ; mais tu n’as donc pas le sentiment de la couleur locale ? tu es donc indigne de vivre dans ce voisinage antique ? Est-il bon au moins, ton falerne ? a-t-il été mis en amphore sous le consul Plancus ? — consule Planco.

— Je ne connais pas le consul Plancus, et mon vin n’est pas mis en amphore, mais il est vieux et coûte dix carlins la bouteille, » répondit l’hôte.

Le jour était tombé et la nuit était venue, nuit sereine et transparente, plus claire, à coup sûr, que le plein midi de Londres ; la terre avait des tons d’azur et le ciel des reflets d’argent d’une douceur inimaginable ; l’air était si tranquille que la flamme des bougies posées sur la table n’oscillait même pas.

Un jeune garçon jouant de la flûte s’approcha de la table et se tint debout, fixant ses yeux sur les trois convives, dans une attitude de bas-relief, et soufflant dans son instrument aux sons doux et mélodieux quelqu’une de ces cantilènes populaires en mode mineur dont le charme est pénétrant.