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Il accepta sa présence comme dans le rêve on admet l’intervention de personnes mortes depuis longtemps et qui agissent pourtant avec les apparences de la vie ; d’ailleurs son émotion ne lui permettait aucun raisonnement. Pour lui, la roue du temps était sortie de son ornière, et son désir vainqueur choisissait sa place parmi les siècles écoulés ! Il se trouvait face à face avec sa chimère, une des plus insaisissables, une chimère rétrospective. Sa vie se remplissait d’un seul coup.

En regardant cette tête si calme et si passionnée, si froide et si ardente, si morte et si vivace, il comprit qu’il avait devant lui son premier et son dernier amour, sa coupe d’ivresse suprême ; il sentit s’évanouir comme des ombres légères les souvenirs de toutes les femmes qu’il avait cru aimer, et son âme redevenir vierge de toute émotion antérieure. Le passé disparut.

Cependant la belle Pompeïenne, le menton appuyé sur la paume de la main, lançait sur Octavien, tout en ayant l’air de s’occuper de la scène, le regard velouté de ses yeux nocturnes, et ce regard lui arrivait lourd et brûlant comme un jet de plomb fondu. Puis elle se pencha vers l’oreille d’une fille assise à son côté.

La représentation s’acheva ; la foule s’écoula par les vomitoires. Octavien, dédaignant les bons offices de son guide Holconius, s’élança par la première sortie qui s’offrit à ses pas. À peine