Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/352

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sonnette vif, nerveux, insupportablement argentin, éclate et tombe dans ma tranquillité comme une goutte de plomb fondu qui s’enfoncerait en grésillant dans un lac endormi ; sans penser à mon chat, pelotonné en boule sur ma manche, je me redressai en tressaillant et sautai sur mes pieds comme lancé par un ressort, envoyant à tous les diables l’imbécile concierge qui avait laissé passer quelqu’un malgré la consigne formelle ; puis je me rassis. À peine remis de la secousse nerveuse, j’assurai les coussins sous mes bras et j’attendis l’événement de pied ferme.

La porte du salon s’entr’ouvrit et je vis paraître d’abord la tête laineuse d’Adolfo-Francesco Pergialla, espèce de brigand abyssin au service duquel j’étais alors, sous prétexte d’avoir un domestique nègre. Ses yeux blancs étincelaient, son nez épaté se dilatait prodigieusement ; ses grosses lèvres, épanouies en un large sourire qu’il s’efforçait de rendre malicieux, laissaient voir ses dents de chien de Terre-Neuve ; il crevait d’envie de parler dans sa peau noire, faisait toutes les contorsions possibles pour attirer mon attention.

« Eh bien ! Francesco, qu’y a-t-il ? — Quand vous tourneriez pendant une heure vos yeux d’émail comme ce nègre de bronze qui avait une horloge dans le ventre, en serais-je plus instruit ? Voilà assez de pantomime ; tâchez de me dire,