Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/370

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maison, dérobez-moi à ces démons qui me poursuivent. »

Mahmoud-Ben-Ahmed la prit par la main, la conduisit à l’escalier de la terrasse dont il ferma la trappe avec soin, et la mena dans sa chambre. Quand il eut allumé la lampe, il vit que la fugitive était jeune, il l’avait déjà deviné au timbre argentin de sa voix, et fort jolie, ce qui ne l’étonna pas ; car à la lueur des étoiles il avait distingué sa taille élégante. Elle paraissait avoir quinze ans tout au plus. Son extrême pâleur faisait ressortir ses grands yeux noirs en amande, dont les coins se prolongeaient jusqu’aux tempes ; son nez mince et délicat donnait beaucoup de noblesse à son profil, qui aurait pu faire envie aux plus belles filles de Chio ou de Chypre, et rivaliser avec la beauté de marbre des idoles adorées par les vieux païens grecs. Son cou était charmant et d’une blancheur parfaite ; seulement sur sa nuque on voyait une légère raie de pourpre mince comme un cheveu ou comme le plus délié fil de soie : quelques petites gouttelettes de sang sortaient de cette ligne rouge. Ses vêtements étaient simples et se composaient d’une veste passementée de soie, de pantalons de mousseline et d’une ceinture bariolée ; sa poitrine se levait et s’abaissait sous sa tunique de gaze rayée, car elle était encore hors d’haleine et à peine remise de son effroi.

Lorsqu’elle fut un peu reposée et rassurée,