Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/381

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chaient vaguement des ailes de papillon. Malheureusement Mahmoud-Ben-Ahmed, trop occupé de la lecture de sa pièce de vers, ne leva pas les yeux et ne s’aperçut pas de la métamorphose qui s’était opérée. Quand il eut achevé, il n’avait plus devant lui que la princesse Ayesha qui le regardait en souriant d’un air ironique.

Comme tous les poètes, trop occupés de leurs propres créations, Mahmoud-Ben-Ahmed avait oublié que les plus beaux vers ne valent pas une parole sincère, un regard illuminé par la clarté de l’amour. — Les péris sont comme les femmes, il faut les deviner et les prendre juste au moment où elles vont remonter aux cieux pour n’en plus descendre. — L’occasion doit être saisie par la boucle de cheveux qui lui pend sur le front, et les esprits de l’air par leurs ailes. C’est ainsi qu’on peut s’en rendre maître.

« Vraiment, Mahmoud-Ben-Ahmed, vous avez un talent de poète des plus rares, et vos vers méritent d’être affichés à la porte des mosquées, écrits en lettres d’or, à côté des plus célèbres productions de Ferdousi, de Saâdi et d’Ibn-Omaz. C’est dommage qu’absorbé par la perfection de vos rimes allitérées, vous ne m’ayez pas regardée tout à l’heure, vous auriez vu… ce que vous ne reverrez peut-être jamais plus. Votre vœu le plus cher s’est accompli devant vous sans que vous vous en soyez aperçu. Adieu, Mahmoud-Ben-Ahmed, qui ne vouliez aimer qu’une péri. »