Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/383

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ne lui laissait aucun repos. Il avait été bien souvent errer à l’entour du palais de la princesse ; mais il n’avait jamais pu l’apercevoir ; rien ne se montrait derrière les treillis exactement fermés ; le palais était comme un tombeau.

Son ami Abdul-Malek, alarmé de son état, venait le visiter souvent et ne pouvait s’empêcher de remarquer les grâces et la beauté de Leila, qui égalaient pour le moins celles de la princesse Ayesha, si même elles ne les dépassaient, et s’étonnait de l’aveuglement de Mahmoud-Ben-Ahmed ; et s’il n’eût craint de violer les saintes lois de l’amitié, il eût pris volontiers la jeune esclave pour femme. Cependant, sans rien perdre de sa beauté, Leila devenait chaque jour plus pâle ; ses grands yeux s’alanguissaient ; les rougeurs de l’aurore faisaient place sur ses joues aux pâleurs du clair de lune. Un jour, Mahmoud-Ben-Ahmed s’aperçut qu’elle avait pleuré et lui en demanda la cause :

« Ô mon cher seigneur, je n’oserais jamais vous la dire : moi, pauvre esclave recueillie par pitié, je vous aime ; mais que suis-je à vos yeux ? Je sais que vous avez formé le vœu de n’aimer qu’une péri ou qu’une sultane : d’autres se contenteraient d’être aimés sincèrement par un cœur jeune et pur et ne s’inquiéteraient pas de la fille du calife ou de la reine des génies ; regardez-moi, j’ai eu quinze ans hier, je suis peut-être aussi belle que cette Ayesha dont vous par-