Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/424

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Le petit comte Oluf a une étoile double, une verte et une rouge, verte comme l’espérance, rouge comme l’enfer ; l’une favorable, l’autre désastreuse. Cela s’est-il jamais vu qu’un enfant ait une étoile double ?

Avec un air grave et compassé le mire rentre dans la chambre de l’accouchée et dit, en passant sa main osseuse dans les flots de sa grande barbe de mage :

« Comtesse Edwige, et vous, comte Lodbrog, deux influences ont présidé à la naissance d’Oluf, votre précieux fils : l’une bonne, l’autre mauvaise ; c’est pourquoi il a une étoile verte et une étoile rouge. Il est soumis à un double ascendant. Il sera très heureux ou très malheureux, je ne sais lequel ; peut-être tous les deux à la fois. »

Le comte Lodbrog répondit au mire : « L’étoile verte l’emportera. » Mais Edwige craignait dans son cœur de mère que ce ne fût la rouge. Elle remit son menton dans sa main, son coude sur son genou, et recommença à pleurer dans le coin de la fenêtre. Après avoir allaité son enfant, son unique occupation était de regarder à travers la vitre la neige descendre en flocons drus et pressés, comme si l’on eût plumé là-haut les ailes blanches de tous les anges et de tous les chérubins.

De temps en temps un corbeau passait devant la vitre, croassant et secouant cette poussière